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Un château neuf pour Vauvert

Les touristes qui traversent Vauvert un beau jour d’été, pressés d’arriver à la plage, ne peuvent s’imaginer un seul instant que ce gros bourg assoupi a connu non seulement des siècles d’un pèlerinage prestigieux, mais aussi des décennies de sanglantes et passionnées guerres de religion. 

C’est sous Charlemagne, qu’une charte mentionne pour la première fois un bourg et son église nommé Posquières et à l’écart, dans son vert vallon, un sanctuaire dénommé Notre-Dame de Valvert ou de Beauvert, qui deviendra Vauvert, et finira par donner son nom au bourg qui abandonnera avec le temps celui de Posquières.

 

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Le sanctuaire Notre-Dame de Valvert

À partir du XIIIe siècle, son pèlerinage devint une étape obligée sur la route de celui de Saint-Gilles et de Saint-Jacques de Compostelle. Saint Louis vint y prier avant de s’embarquer à Algues-Mortes pour ses croisades et séjourna au château pour la Pentecôte de 1270 ; Jacques 1er le Conquérant de Majorque sur les musulmans, roi d’Aragon, né à Montpellier, y vint en pèlerinage en septembre 1269 après que la flotte qu’il avait réunie pour la huitième croisade est détruite par une tempête dont son navire réchappa sur l’intervention de la Vierge de Vauvert ; le Pape Clément V, premier Pape d’Avignon, s’y agenouilla ; François 1er y séjourna avec sa femme et leur suite, en 1538. 


Le pèlerinage à Vauvert pouvait aussi correspondre à une pénitence. C’est ainsi que le registre de l’église de Carcassonne nous apprend qu’au temps de la croisade contre les Albigeois, la pénitence à prescrire contre les hérétiques repentants était selon la taille de la faute, soit d’effectuer un pèlerinage majeur (Rome, Compostelle, Mont Saint-Michel, Cantorbéry), soit un pèlerinage mineur dans lesquels figurait Notre-Dame de Vauvert.

Un miracle rapporté par Joinville lui-même dans ses Chroniques :
Lors du retour de la première croisade de saint Louis, au large de Tunis, le sire Dragonnet envoya
son page se pencher sur l’eau pour humidifier un mouchoir destiné à se rafraîchir la figure. Le page
tomba à la mer et ne savait pas nager. La galére du Roi le secourut au bout de quelques heures et il
raconta qu’en tombant, il avait invoqué la Vierge de Vauvert qui l’avait soutenu par les épaules
jusqu’à ce qu’on le repêche, ce qu’attesta Joinville et toute la Cour qui était sur ce navire. Joinville
fut si frappé par ce miracle qu’il le fit représenter sur un vitrail de l’église de Notre-Dame de
Blécourt dont il était le seigneur.


Le sanctuaire vécut ainsi paisiblement encore trois bons siècles, avant d’être détruit au début de la période des guerres de religion, vers 1562.

 

Le château de Vauvert


Le village de Vauvert est dominé par une colline en forme de cône tronqué appelé le « Castelas. » C’est en 1066, que la famille de Rostaing est signalée être seigneur de Posquières - premier nom de Vauvert. Ce sont eux qui fortifient le Castelas. En 1095, Décan de Posquières est mentionné s’être croisé à Clermont à l’appel du pape Urbain II. Il laissait derrière lui, ses quatre fils cadets, tous évêques, à Nîmes, à Vivier, Uzès et Lodève…

Vers 1344, par mariage, la famille de Lévis-Lautrec - l’une des plus anciennes du Languedoc - devint baron de Posquières. En 1515, c’est une autre branche, la famille de Lévis-Ventadour qui entra en possession du fief de Vauvert.

En 1560, la Réforme gagna le Midi. Cependant le maréchal de Villars, Commandant du Languedoc pour le roi résidait alors à Vauvert, la Réforme y fut donc discrète à ses débuts. En avril 1570, les princes protestants : Navarre, Condé et l’amiral de Coligny séjournent à Vauvert pour diriger les sièges des bourgs catholiques de Lunel, Marguerites et Aimargues… Pendant toute cette période, et jusqu’en 1628, des garnisons tour à tour catholiques et religionnaires se succédèrent dans le château.

Le 20 septembre 1628, le duc de Rohan Généralissime des huguenots, envoya ses chevau-légers et 4 canons pour assiéger le château de Vauvert. En deux jours de canonnade, les assiégés catholiques se rendirent et leur capitaine, le sieur de Jonquières, reçut les honneurs militaires. Vauvert redevint donc protestante avec une garnison de 4 soldats renforcée par quelques habitants réquisitionnés…
En quittant Vauvert, le duc de Rohan pour éviter que la Place ne redevînt catholique en ordonna la démolition par cette ordonnance :

« Il est ordonné et enjoint aux capitaine et soldats de la garnison du château de Vauvert de favoriser et faire faire proprement la démolition de ladite place, celle gardant néanmoins, jusqu’à ce qu’elle soit proche d’être entièrement démolie par les entrepreneurs. Mandons a tous qu’il appartiendra de prêter toute aide main forte à peine dans répondre en leur propre et privé nom. 
Fait à Nimes ce 24e jour de septembre 1628, Henri de Rohan. »


En quelques décennies particulièrement sanglantes et vindicatives, ces luttes religieuses se terminèrent par la démolition complète de leurs enjeux symboliques, hauts lieux de la ville : le sanctuaire de Notre-Dame de Vauvert incendié et démoli en 1562 après 800 ans d’existence, le château rasé en 1628, 700 ans après sa construction et le Temple protestant démoli pour faire bonne mesure équitable en 1685 au moment de la Révocation de l’Édit de Nantes. Et pourtant, les troubles reprirent avec la révolte des Cévennes après cette révocation et en 1703 les édiles firent entourer Vauvert de remparts inexistants jusqu’ici. Ces remparts n’empêchèrent pas le chef camisard Jean
Cavalier d’entrer en 1704 à Vauvert dont il incendia et démolit l’église.

C’est sur ces destructions barbares que Vauvert sortit de l’Histoire pour entrer dans la tranquille et anonyme quiétude des campagnes françaises. 


Le château neuf de Vauvert, objet de toutes les sollicitudes


Le bâtiment que l’on appelle aujourd’hui « le château » se présente à nous comme l’écho très affaibli par les siècles, à la fois du sanctuaire Notre-Dame de Valvert, et du château féodal, et c’est sans doute la raison pour laquelle la vox populi l’appelle communément le château. 

À peine quinze années après que le château est rasé, le « château neuf de Vauvert » est terminé en adaptant et agrandissant des bâtiments préexistants au pied de l’ancien château. La reconstruction de ce château était sans doute nécessaire pour symboliser l’ancestrale baronnie de Vauvert.

En 1642, Charles de Lévis, duc de Ventadour, vend la baronnie pour 100.000 Livres à Pierre d’Hautheville « seigneur de Montferrier. » . Lorsque celui-ci fait « hommage » au Roi pour sa baronnie de Vauvert, il évoque le château « composé d’une maison avec paillère et cour acquise de noble Jacques de Mirabel (et autres)… et sise au pied de la motte de Foussat. » Notre Archiviste commente : « …la motte de Foussat sur laquelle s’élevait 15 ans auparavant le château fort de la ville. La nouvelle demeure seigneuriale, quoi qu’elle n’offre rien de très remarquable au point de vue de l’art, a pourtant un escalier à vis assez hardi et qui doit avoir été construit vers le XVe siècle… » 

Quelques générations plus loin, le mariage de Marie Gabrielle de Génas avec un magistrat, Jean-Jacques Reynaud, Conseiller du roi et Président du Présidial de Nîmes, nécessite de grands travaux : le château neuf se restaure et se dote d’une cheminée monumentale dans son salon. Une illumination de toute la ville eut lieu en mars 1766 pour la naissance d’un fils. À cette époque, les 635 maisons de Vauvert abritaient 2.605 habitants. C’est l’apogée de la baronnie de Vauvert, pourtant le temps n’allait pas tarder à se gâter ! En effet, la baronnie de Vauvert cessa d’exister dans la nuit du 4 août 1789 avec l’abolition des privilèges. Les biens de la baronnie, château et métairies furent adjugés 2.600 livres comme Biens nationaux. En novembre 1793, accusés de fédéralisme, Jean-Jacques Reynaud de Génas et son fils Auguste furent arrêtés et guillotinés huit jours avant le 9 thermidor. Et le
château va entrer dans l’obscurité de l’histoire pour presque un siècle.


La résurrection du château neuf


Il va ressortir de cette obscurité le 8 décembre 1892 pour une nouvelle destinée quand l’Abbé Triaire (1843-1919), curé de Vauvert, l’achète. Il réussit à faire bénir le « château de Génas » comme on disait encore à l’époque, par l’archevêque métropolitain d’Avignon Mgr Gilly, accompagné de Mgr Béguinot, évêque de Montpellier. C’est que l’Abbé a de grands projets : y installer les écoles de filles dans de larges et beaux espaces, y ouvrir un orphelinat et un asile de vieillards destiné à remplacer l’antique hôpital Notre-Dame disparu depuis longtemps. Et son successeur l’Abbé Arlaud cédera la propriété du château « de Génas » au diocèse pour en pérenniser les œuvres, le 23 mars 1927.

Cet abbé Triaire était un fondateur infatigable. Par exemple, les 600 catholiques du village de Gallician, à l’époque très à l’écart de tout, devaient aller à la messe à Vauvert… huit kms à pied pour les vieux et les enfants… L’abbé Triaire se met en tête d’y créer une paroisse. Et, nous raconte le livre de l’abbé Thibon :

« Monseigneur promet de s’intéresser à ce peuple un peu déshérité, et donne la permission de
fonder une chapelle de secours. M. Triaire n’attendait que cette permission, et le voilà
immédiatement au travail. Le premier soin, on le conçoit sans peine, est de chercher de l’argent.
L’infatigable quêteur se met en route. Il réussit à intéresser à sa pieuse entreprise la généreuse
famille Noilly-Prat, qui donne au curé une large aumône. Elle ne suffit pas, mais M. Triaire est un
homme aux moyens multiples. Il part en voyage, court à droite et à gauche, prêche, demande, et
obtient… »


Et maintenant...

Après une longue vie de plus d’un siècle dans l’enceinte du château neuf, ces entreprises audacieuses de l’Abbé Triaire ont aujourd’hui déménagé vers des locaux plus adaptés ou se sont fondues ailleurs dans des organisations nouvelles… Le château est donc libre aujourd’hui pour aller vers de nouvelles aventures, conformes à l’orientation voulue par l’Abbé Arlaud dans l’acte de vente : rester au service du clergé au sein de l’Église catholique.

Comme le souhaitait le refrain du cantique « Réveillons la verte vallée » tiré du Manuel du Pèlerin de Notre-Dame de Vauvert :

« L’ancien château, la vieille église,
Vont revivre leurs plus beaux jours.
Vauvert redira sa devise :
Vierge Marie, à vous toujours ! »

Extraits d’une synthèse historique de François-Marie Legoeuil